C’est une plongée saisissante et nécessaire dans une affaire trop vite reléguée aux marges du débat national que propose Harry Roselmack avec "L’État Républi-nial, l’affaire Klodo".
Ce documentaire inédit d'Harry Roselmack et réalisé par David Parra Serrano, dont la diffusion est prévue ce lundi dès 20h45 sur Guadeloupe La 1ère, revient avec force et précision sur la mort tragique de Claude Jean-Pierre, un retraité sans histoire, décédé en novembre 2020 suite à un contrôle routier mené par des gendarmes.
Claude Jean-Pierre — Claude pour les voisins, Klodo pour les proches — n’avait rien d’un symbole. Jusqu’à ce que sa fin brutale fasse écho à d'autres drames guadeloupéens : celui de Charles-Henri Salin en 1985, de Didier Assor en 2017. Tous morts après une interaction violente avec les forces de l’ordre. Tous tombés dans une zone grise de la justice, où les responsabilités s’estompent et où l’impunité semble régner.
Harry Roselmack, connu pour son intégrité journalistique et son engagement citoyen, s’empare de cette histoire comme d’un révélateur des dysfonctionnements de l’État de droit dans les territoires ultramarins. "Comment des représentants de l’ordre républicain dont les actions ont provoqué la mort d’un lycéen dans une rue de Pointe à Pitre, celle d’un schizophrène en crise (que ses proches ont condamné en les appelant) et vraisemblablement celle d’un automobiliste au cours d’un contrôle routier peuvent-ils ne pas être mis en examen ? Ne pas être appelés à la barre d’un tribunal ? Comment de tels faits peuvent-ils ne pas être connus en dehors de la Guadeloupe ? La vie des citoyens de Guadeloupe compte-t-elle si peu ? Est-ce le fait qu’ils soient loin de Paris et des centres de pouvoir policier, judiciaire et médiatique ; est-ce le fait qu’ils soient noirs qui rend leur mort suspecte si insignifiante ?" interroge-t-il.
Sa réponse : en donnant la parole aux oubliés, en retraçant chaque détail avec rigueur, en interrogeant les fondements d’une République à deux vitesses.
Le documentaire, réalisé par David Parra Serrano, s’annonce à la fois implacable et émouvant. Il met en lumière non seulement les faits, mais aussi l’indignation, la colère, la douleur d’une communauté qui se sent abandonnée par les institutions. Ce travail d’investigation, ancré dans une éthique journalistique irréprochable, interroge frontalement : La vie des Guadeloupéens aurait-elle moins de valeur ?
À travers le cas de Claude Jean-Pierre, c’est une réalité plus large que dénonce le film : celle d’un traitement inégal des citoyens selon leur lieu de vie, leur couleur de peau, ou leur distance des centres de pouvoir. Ce documentaire ne cherche pas le sensationnel. Il réclame justice. Il exige des réponses. Il refuse l’oubli.
L’État Républi-nial est plus qu’un film : c’est un acte de mémoire et de combat. À voir absolument. Pour ne plus dire qu’on ne savait pas. Pour que le silence ne soit plus une arme.
