Guyane : Quand la justice rappelle le principe de la Liberté de la presse

Rédigé le Vendredi 13 Juin 2014 à 09:19



Peut-on tout dire, tout écrire, tout publier en Guyane ? Et ce, d’autant plus quand il s’agit d’une personne publique locale ? Lorsque la presse dérange, le recours à la justice serait-il un moyen de pression afin de la museler ? L’affaire Monlouis-Deva contre deux médias guyanais semble en être un flagrant exemple.

Tout est parti d’une enquête journalistique publiée dans La Semaine Guyanaise révélant une bien sombre affaire mêlant Line Monlouis-Deva qui occupait autrefois en Guyane le très symbolique poste de Déléguée régionale aux droits des Femmes et à l’égalité.

Invitée à s’exprimer dans les colonnes de ce journal, c’est avec des propos scandaleux, enregistrés et diffusés en ligne, qu’elle se défendait. Des propos détestables en totale opposition avec sa fonction au moment des faits.

Non contente de l’ampleur médiatique et de ses conséquences, Line Monlouis-Deva a assigné en justice les médias qu’elle désigne comme les responsables de cette médiatisation désastreuse : le journal La Semaine Guyanaise et le site Blada.com Le Marron - Petit journal de Kourou.

Dans sa requête et pour sa défense, Line Monlouis-Deva déclare que « les différents articles (publiés par La Semaine Guyanaise NDLR) ne correspondent nullement à la vérité, et lui donnent une image détestable ». Celle ci allant jusqu’à reprocher au site Blada.com « la mise en ligne d’une bande sonore durant quatre mois d’avril à juillet 2011 » au point d’affirmer que les informations diffusés par ces deux médias « ont un caractère injurieux et dépréciatif à son égard ». Faisant face à une exposition publique, Line Monlouis-Deva « critique le fait que ces informations fassent d’elle une personne raciste, opportuniste et sans foi ni loi ».

Pourtant, les propos que Line Monlouis-Deva considère comme injurieux, lui valent aujourd’hui d’être poursuivie par la justice pour le motif d’injure publique envers un particulier en raison de sa race, de sa religion ou de son origine.

Et, en réparation de ce qu’elle considère comme des préjudices, Line Monlouis-Deva ne s’est pourtant pas privée de demander la condamnation de ces médias à 50 000 € de dommages et intérets en qualité de victime directe, ainsi qu’à 30 000 € de dommages et intérêts pour son époux et ses enfants en qualité de victimes par ricochet.

Des requêtes qui se sont soldées par un résultat contraire à ce qu’elle espérait et très loin de ses attentes. Dans son jugement du 04 juin 2014, le tribunal de Grande Instance de Cayenne a déclaré que « les faits, dont se plaint Madame Line Monlouis-Deva, relèvent de la loi spéciale du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse », et que « la prescription de l’action engagée » par la plaignante « la déclare irrecevable en ses demandes ».

En poursuivant le journal La Semaine Guyanaise et le site Blada.com, le tribunal de Grande Instance de Cayenne considère que Line Monlouis-Deva les a contraint à agir en justice pour leur défense. De ce simple fait, en plus de la condamnation aux dépends, la justice a également condamné Line Monlouis-Deva à leur verser la somme de 3000 €.

Cette affaire sur fond d’atteinte à la liberté d’expression et d’accusations publiques sonne comme sérieux un rappel au respect de liberté de la presse dans ce département d’outre-mer.

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