Face à cette accusation, Aurélia Mengin, directrice du festival sort du silence et répond publiquement dans un communiqué de presse qu'on publie ci-dessous et annonce qu'une nouvelle version de l'affiche sera dévoilé prochainement.
Communiqué
L’affiche de notre 8ème édition met ainsi en scène deux siamoises amazones, mi-femmes, mi-oiseaux, dont la peau vinyle est faite de peinture et dont la chevelure constituée de nids de bélier, évoque les perruques du temps de la Renaissance. C’est également un hommage à cet oiseau dont le jaune vif illumine notre végétation tropicale. Nos deux siamoises d’un autre monde, après une mutation biologique, peuvent se reproduire seules, en pondant des œufs, ce qui les classe parmi les espèces volatiles, libérant ainsi leur corps de la douleur de l’accouchement.
Il y a 2 ans, mon travail de création pour l’affiche, m’avait amené à créer des amazones de sable noir du volcan aux visages ovoïdes.
Je suis réunionnaise, fruit du métissage entre une mère noire et un père blanc. Mon père est artiste, mes parents ont bâti, il y a plus de 35 ans, le Lieu d’Art Contemporain de La Réunion. J’ai grandi entouré d’artistes et de leurs œuvres. Le regard que je porte sur le monde est toujours emprunt du prisme de la création. Je suis moi même réalisatrice, mon travail développe des univers où l'étrangeté flirte en permanence avec la réalité, soulevant souvent des interrogations, parfois des incompréhensions, mais toujours avec cette même volonté d’avancer un peu plus loin dans une recherche artistique fondamentale et personnelle.
Quelques jours après la parution de notre affiche dans la presse réunionnaise et métropolitaine, nous avons reçu énormément de retours positifs sur l'esthétisme, l’audace et la force de notre visuel. En parallèle, notre affiche suscite aussi des attaques virulentes, inquisitrices, accusant le festival de « Blackface », un mot qui m'était encore inconnu jusqu’alors. Les détracteurs accusent publiquement le festival et moi-même de racisme.
Notre affiche propose un ailleurs, ouvre une porte sur des personnages de fictions imaginaires. Notre affiche ne met pas en scène deux femmes noires, sinon effectivement pourquoi nous serions nous infligés ce travail fastidieux et délicat de peinture sur corps? Ma propre mère est noire, ainsi qu’une grande partie de ma famille. Si j’avais voulu photographier des femmes noires je l’aurais fait.
Notre affiche met en lumière des femmes peintes, rendant ainsi un hommage direct à la peinture. Lorsque mes détracteurs voient dans mon geste créatif du racisme, moi j’y revendique mon amour démesuré pour l’art pictural, les femmes, la couleur, la végétation réunionnaise.
Dans notre travail de peinture sur corps, ma maquilleuse et moi avons testé différentes couleurs, du doré à l’argenté en passant par le violet… Nous avons toutes les deux été convaincues que le noir vinyl était, sans aucun doute, la plus belle couleur. À travers cette affiche, je déclare donc sans aucune ambiguïté, ma passion pour l’art, pour la liberté d’expression, pour la couleur noire.
Il n’empêche que certaines personnes ont été blessées par une interprétation erronée, très éloignée de la réalité qui m’inspire. C’est pour cette raison qu'après un long échange avec Monsieur Louis-Georges Tin, Président du CRAN, Le Conseil Représentatif des Associations Noires de France, je me suis engagée à modifier l’affiche en supprimant le « Blackface » afin d'apaiser les tensions, que je suis la première à déplorer. La nouvelle version de notre affiche sera dévoilée très prochainement.
Il faut malgré tout être conscient, que quelque chose de la liberté a été décapitée en même temps que les têtes de mes amazones.
Le CRAN demande des explications aux sponsors de l'évènement dont Canal+ et Air France
Communiqué du CRAN sur la polémique de l'affiche de la 8e édition du Festival Même pas Peur
Nouvelle affaire de Blackface. Organisé par Aurélia Mangin, le festival international du film fantastique à la Réunion propose une affiche recourant au blackface : deux femmes blanches nues, grimées de noir, avec une étrange perruque et tenant un œuf dans le creux de la main.
Après la polémique sur Griezmann et sur le carnaval de Dunkerque, l’organisatrice ne peut guère plaider l’ignorance. Le CRAN est intervenu, et a discuté avec elle. Aurélia Mangin a expliqué qu’elle était métisse, comme si le fait « d’être née d’une mère noire et d’un père blanc » était un sorte de « joker » donnant le droit de faire tout et n’importe quoi. C’est l’argument qu’avait utilisé aussi le directeur de la compagnie Blackface Corporation, qui avait dû finalement changer le nom de sa compagnie et retirer l’affiche qu’il utilisait.
L’organisatrice a aussi affirmé que « l’affiche n’est ni raciste, ni blessante, juste mal interprétée ». En d’autres termes, il y a juste un public de noirs imbéciles qui ne comprennent rien à l’art. Le CRAN a rappelé à Mme Mangin que le Défenseur des droits en France et le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies ont reconnu le caractère raciste du blackface. Mais sans doute Aurélie Mangin est-elle plus compétente en ce domaine que toutes ces personnes réunies, puisqu’elle est métisse. Malgré tout, la pression du CRAN a fini par porter ses fruits. Après quelques résistances, Aurélia Mangin a fini par concéder : « il n’y aura plus de blackface ».
Le CRAN se félicite de cette nouvelle victoire face à l’organisatrice du festival « Même pas peur », qui a eu peur des conséquences de son acte raciste, en effet. Mais le CRAN entend demander des explications aux nombreux sponsors de ce festival, parmi lesquels figurent le ministère de la culture, Air France et Canal Plus. « Blackface, le CRAN dit STOP. Nous demandons à ces sponsors de présenter des excuses, de s’engager à ne plus soutenir aucune manifestation culturelle impliquant du blackface, et de nous aider dans notre combat contre le blackface », a déclaré Ghyslain Vedeux, administrateur du CRAN.
« C’est la quinzième affaire de blackface en un an à peine. Nous en avons assez, et nous demandons au gouvernement de faire voter une loi condamnant clairement le blackface. Cela ne peut plus durer », a conclu Louis-Georges Tin, président du CRAN.